Et il y a des gens qui sont formidables parce qu’on les rencontre au bon moment. »
Je t’avais écrit que les choses changeaient.
Que les oiseaux s’envolaient pour fuir les réalités de la vie
Et qu’il fallait nous envoler nous aussi.
Autant pour fuir que pour se sentir libre et goûter le bleu du ciel dans cet élan avide de sensations et de sentiments.
Alors dis moi, est ce que tu sais enfin pourquoi la fuite et la liberté ont le même goût ?
Je t’avais écrit que les choses s’effaçaient.
Que les souvenirs amers et les déceptions disparaissent dans le sable à la mesure du temps passé à continuer de vivre. À s’abrutir de vivre. Les larmes ont la saveur trop vivace des tasses en pleine mer, à bruler la gorge et à s’étouffer de survivre aux autres quand on se sait déjà vide. On remplit à coups de tasses d’eau salée, des ventres béants, des gouffres, avec la lente et fervente récidive des marées.
Je t’avais écrit que les mots tuaient.
Avec précision et acharnement, qu’ils pouvaient être aussi consolateurs et vertueux qu’ils pouvaient être carnassiers et ravageurs. Qu’il ne te suffisait que de quelques mots pour que mon cœur s’échoue et se brise. Le plus insoutenable des gestes ne vaudra jamais la détresse que peut provoquer le mot juste.
Mais je crois que ce qui tue le plus, ce sont les silences, l’absence… les mots qui ne sont plus et qui nous usent à défaut. À l’usure, lentement, fervemment, comme on brûle les pages d’un livre qui n’a jamais été écrit.
Si je suis vide, est ce que je suis toujours là ?
Je laisse la pendule tourner au salon. Je me regarde les doigts des mains des pieds, des pieds à la tête quoi. J’en deviens invisible, toutes ces heures passées, à nettoyer le salon, récurer les chiottes, faire la cuisine. Pour qui ? Pour personne. Une visite, un quelque chose, un semblant de vie, d’humanité, de société ? Non on m’enterre vivante et sans un mot, pas un murmure, rien qui ne laisse présager la situation. Je pourrais crever, hurler, rien n’y ferait, il n’y a personne, il n’y a rien. Et je me lasse même de ma propre lassitude. Il y a les volets qui grincent. Et je grince de partout, des os, des dents, je râle. Il n’y a plus que cela à faire. Dehors, les gens sont mauvais, ils ne me saisissent plus, ils ne comprennent pas. Ils me font peur, ils ne me comprennent pas. Tout à cette heure, me comble d’horreur. J’ai si peur de l’avenir qui n’est plus, du passé qui s’enfuit, s’enfouit dans les décombres d’une mémoire décomposée, décharnée, tout comme moi, j'ai le vertige. Du dégout, de la colère, de la frustration, du déni. Et plus de patience pour la patience. Si j’avais le choix de trembler, ce serait de peur.
Il y a de multiples combinaisons pour de multiples possibilités. A savoir ce que l’on va choisir ou laisser pourrir. Tu n’as pas idées de ce que j’ai en tête. En fait tu n’as rien dans la tienne, dans ta sale caboche, pas fichue d’une cervelle, niette. Tu passes tes journées à ne rien faire, tu ne veux rien entendre. En fait, tu refuses d’entendre, ce début de surdité t’arrange bien. Et moi je n’ai plus aucune patience. J’ai beau penser à toute celle qu’il t’a fallu pour moi, pour tous ces détails et ces constructions de vies, ces bouts d’choux qu’on a pu être. Et maintenant, partagée entre une haine froide et les souvenirs ensolleillés du passé, j’en fais quoi de ta mauvaise foi, de ton refus de vivre ? De ton obstination à t’ancrer dans le sol et dans tes souvenirs, si doux, dis tu. Sembles tu dire, du moins. Si tu pouvais me regarder, me parler, quelque chose. Je resterai. Je serais restée. Tu vois, je ne suis pas si mauvaise que ça. Pas aussi mauvaise que toi. Pas si mauvaise, je crois.
Brûler : désirer ardemment
Il faudrait en faire voler aux éclats, à la hâte.
En-traîner l'âme dans une chasse-à-courre-de-souffle-effrénée.
Il fait de plus en plus beau dehors, dedans parfois. Quand le crépuscule n'obscurcit pas tout jugement lucide. Je finis mes journées dans une hâte violente à recommencer. J'ai horreur des ces soirées placides, insipides, seule avec le vide au fond qui froisse les sentiments. Et je ne saurais dire ce qu'il y à de pire comme bestiole : le bourdon ou le cafard, bruit ou crasse?
Les questions récurrentes et les questions rhétoriques.
Ça foisonne, ça se pose sur papier, se couche sur écran,
s'etale salement sur le divan.
Je n'ai même pas une anecdote à détourer, les instants se futilent à tour de bras, de mains et d'échardes. Le matin est un véritable petit rayon de soleil et d'espoir malgré la sortie de couette glacée et le miroir désobligeant. On se pose sur les rails, on esquisse la trame du bout des doigts, et on s'enfuit vers les obligations (il faut garder la notion de fuite, d'échappatoire, sinon on crève, et puis merde, c'est plus tendre comme ça et putain de moi que j'y tiens à la tendresse). Il reste le café juste bouillant comme il faut pour se consummer les lèvres, un zeste amer, qui susurre que l'on est un actif affirmé. Car quoi de plus rassurant qu'une tasse de café, les doigts ne s'en vont pas fourmiller partout de stress et de gêne, ils se posent sur une certitude. Il en est de même pour les poches de pantalon, plutôt se tirer une balle que de ne savoir quoi foutre de ses mains (hasardeuses, indiscrètes et maladroites). Puis, autour du café, la conversation, qui rime toujours sur les mêmes terminaisons. On se rassure, on se jauge, on se caresse dans le sens du verbe. Et quelles sont les nouvelles fraiches du jour. De toi à moi, rien à foutre. Dis on s'fait un p'tit peau-à-peau, j'ai comme l'impression que mon cœur s'en est allé? On change de rythme au printemps, en hiver. On cadence tout mais l'eurythmie est loin, très loin. Si on foutait le bordel un peu ? C'est trop calme, dégorgeons tout ça, taillons dans le vif. Étudions ce qu'il y a derrière les mots, sous la peau.
Il y a aussi le trajet en bus qui me plait particulièrement. Je n'ai pas envie de prendre la voiture, tout simplement parce que je ne sais pas vraiment ce que ça fait, que je suis une froussarde et que les gens en caisse sont de vrais clowns enragés sur les pavés bétonnés. Face à un tel cirque, j'en perds mes pédales. Et puis c'est lent et amusant le bus, la musique dans les oreilles, à ne plus rien entendre que ce qui me chante, j'ai des envies de frôler des inconnus, savoir quels goûts ils ont, quels grain d'âme. Il faut que ça m'allèche, que ça m'abuse et me fascine. Qu'il y ait de l'accidentel et de l'épique. C'est une question de survie, une question d'epiderme.
Et le travail, c'est un cumulus d'heures filantes à toute vitesse, éperdues. C'est un tas de vidéos de concerts dans un coin du bureau, des rires etouffés, du café sans sucre, des allusions sensuelles et de la réflexion artisticommerciale qui me grille les neuronnes.
Et le soir il faut toujours attendre pour pouvoir recommencer, sans connaitre le point de chute, sans passer par la case départ, sans toucher des millions. Ou peut-être simplement que je diverge, que j'ai perdu la notice, que j'ai moi même pipé les dés, que j'suis paumée et que j'en suis farouchement heureuse et affolée.
Adeline Melliez Artistographe
Pix : Juliadavis-deviant
Tempérament.
Il
fait soleil sur les fenêtres, et ça me caresse la peau au travers. Et
puis, il y
a aussi un peu de vent, alors on garde les écharpes autour du cou, juste
pour
frimer, encore un peu, parce que c’est bien connu qu’en vrai, les
écharpes sont
des réchauffe-cœur et qu’on hésite toujours à se mettre à nu, en plein
soleil.
Qu’on est des putains de frileux et qu’on à la trouille des bourrasques
et des
éclats de sentiments. Qu'on fluctue en fonction des saisons.
Intercalaires.
Quand tu fixes le vide, tous les matins. J’hésite à m’interposer, entre le vide et toi. Mais je préfère attendre, je me dis que tu vas bien finir par tomber de là ou tu penches et dévaler la pente jusqu’à moi. Glisser jusque dans les couvertures. Parce que c'est une évidence. Et que j'aime les évidences.
Paradoxe.
Je me pince les lèvres parce qu’elles ont des tendances. Autodestructrices. Suicidaires. Lancinantes, accrochées à tes commissures, défoncées de bouche-à-peau contre ton corps. Elles courent à toi, glissent vers toi avec maladresse. Elles s’engouffrent pour combler le vide entre nous, l’espace, le temps, les mots et les images. Qu’on soit collés l’un l’autre, tu sens, à l'image de nos lèvres, par instants fugaces. Pour cesser de s’éparpiller. Qu’on puisse gommer tout le palpable autour et entre. Elles se hâtent, hésitent et se mordent pour ne pas te mordre de remords. T'as gout de café. Tous les matins je m'y brûle.
Tu es Obsolète.
Il me faut de l’encre indélébile.
Pour la forme plus que pour le fond.
Mes ongles ne suffiront pas.
Ma bouche, mes dents sur ta peau tendre.
Ça ne suffit pas. Cela ne suffira jamais.
Cela manque bien trop de violence,
Pour ce que j’ai a griffonné de moi sur toi.
D’impérieux et d’impérissable.
D’inaltérable.
Pour tout ce qu'il y a de faillible entre nous,
Et parce qu’il n’y a pas encore prescription.
Un verre de vin rouge au bord des lèvres, la coupe
débordante, débordée par les degrés d’affinités.
S’arracher les vêtements, c’est
tellement plus tendre comme ça.
Faire sauter les boutons un à un, ou à l’unisson.
Se prendre une claque en contrecoup des actes manqués. Connerie. Des actes
donnés.
Boucler la boucle dans un semblant de coordination.
Fragmenter,
segmenter, répartir.
Les instants volés.
Combien tu donnes pour un solo de guitare.
Pour crever les pavés, de nos pieds enthousiastes,
Étaler la neige aux
quatre coins de la toile,
Et broder sur nos joues, les notes enfantines,
D’une dernière ritournelle, aux refrains entêtés.
Accroche sur ma peau, ton mémorandum.
Combien tu me la fais, la bouffée d’oxygène ?
Photos : Ellen von Unwerth
----------------------------------------------- [18/12/09] 8h45 Bus (N. Haine. Souvenir)
Quand on faisait l’amour, l’un
dans l’autre, pendu et meurtri par nos corps qui se heurtaient pour mieux se
confondre, t’avais ses yeux. J’y ai repensé, l’autre matin, comme une évidence face
au tableau verglacé. Une dissonance. Dans les aléas du
bus, en lisant tes mots brutaux. J’ai repensé à tes yeux, quand j’étais sur toi,
quand t’étais au fond de moi. Mes yeux buvaient les tiens, et c’est le seul
instant où j’ai pu voir cette lueur d’humanité.
Là il faut marquer une pause. Relire. Cette lueur d’humanité.
Quand t’avais tes yeux, perdus dans les miens, suffoquant de nous. T’avais cette sincérité percutante que ne cachaient pas ta lâcheté et ta frivolité, cette sincérité sans mots, cette authenticité féroce dans le silence de ton regard. Noyé que t’étais dans ta culpabilité. Là au fond de moi, dans mes yeux, tu ne pouvais pas mentir.
C’est peut-être la seule conjoncture où tu étais vrai. Pénétré que t’étais de ma présence et de ma volonté, poussée à l’extrême de l’exécrable. Et pour cette raison aussi que l’on a accentué cette sensation, à s’en bruler les doigts, à s’en asphyxier le souffle, les poumons. A baiser plus que de raison, à baiser l’autre comme on pouvait pour mieux y planter les crocs de la possession.
J’ai juste repensé à tes yeux. Le
truc vraiment con, quoi.
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J’ai l’impression de t’avoir rencontré il y a peu ou peut-être de te
connaitre (un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout) depuis toujours. Je te
sous entend toujours de la même manière, enfin, je t’imagine. Juste là, posé,
sur un genre de canapé pouf, un bedo fuyant entre les doigts, le verre de
martini calé sur une table basse, entre un bouquin de médecine et une paire de
lunettes sérieuses et si j’osais, sexy, portées sur le bout de ton nez. Un
sourire espiègle et satisfait sur un menton mal rasé, qui pique, un poil, un
peu. Tu me sortirais une vanne, un peu méchante, peu scrupuleuse, bien placée,
excitante. Juste ce qu’il faut pour aiguiser la curiosité et se mettre les
nerfs en plote, à deux, c’est mieux. Suffirait d’un rien, d’un mot, d’un jeu,
pour faire monter le ton entre nous deux. Juste ce qu’il faut d’agacement,
d’excitation, d'insolence et de douceur pour s’arracher les cheveux…, les
vêtements ?
T’écrases ta clope. C’est anodin pourtant. Quelque chose de naturel, tellement
naturel que l’on y prend plus garde, venant de toi. En relevant la tête, tu
souris à une blague idiote, une remarque sensée, insensée. Peu importe. Tu ne
fais jamais rien comme les autres, ou plutôt jamais rien comme tout le monde. Bien ou mal, qui jugera. Peu protocolaire en tout cas, la
façon dont tu me griffes le dos.
Tu bois quelques gorgées de martini, essuies la petite goute fuyante sur le
rebord du verre. Et c’est juste, comme une envie de glisser ton doigt dans ma
bouche, le lecher, le mordiller, le devorer.
Hello goodmorning by cloud room
Le gout du citron dans le fond du verre de martini a un gout sucré, acidulé, piquant.
Un peu comme toi, je crois.
Je reconnais ses pas dans le couloir. Pressés, très pressés et pressant. La porte qui claque, le cliquetis des clés qui fait écho à mon sourire. A moins que je ne le retrouve déjà attablé, à son bureau tripotant paperasse, stylos, bouts de rien, a checké ses mails, un café dans le coin, tout prêt de se casser la porcelaine sur la moquette perplexe. Toujours aller vite, en oublier des bouts, pour y revenir, pressement, promptement, repartir. Productivité, perfectionnisme, efficacité. Un océan en ébullition. L’ambiance me plait, le contexte et les contraires m’attirent. J’ai l’imagination débordante, débordée par les situations improbables et amusantes. Un coup d’œil par-dessus l’écran, calme, petite musique, concentration, l’instant d’après le bordel et l’effusion des pensées.
Sa personnalité m’intrigue et m’agace à la fois. L’inaccessible excitant instant de confusion. Je ne vois pas si clair que ça dans mon jeu. Les possibilités m’amusent. Les interdits m’excitent.