Et comme parfois ils s’effritent et se laissent oublier, pourrir au fond du bocal à poisson.
Alors je marque sur le calendrier, MÉMORANDUM : n’oublie pas de ne pas oublier que tout s’oublie toujours trop vite quand tout se vit si fort.
Les instants fuguent et agacent.
Mais pour le moment, les jours filent encore. Bientôt un chez-moi, pour laisser le meilleur comme le pire s’évader en toute intimité. Laisser aller les impulsions et les sous-entendus. M’envoyer un peu plus à volo.
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Ce matin, j’ai pris ma veste en cuir. C'est tout con, mais il me semble que les parfums des instants s’imprègnent dans les vêtements. Je l’ai glissé sur mon dos, sans la fermer, le nez dans le col et remonté jusqu’aux oreilles. C’est amusant comme un habit censé couvrir me renvoie à l’image de nos corps nus inlassables et enlacés. C'est l’odeur du cuir, de ce cuir particulièrement, qui m'évoque le goût de ta peau.
Alice est tortueuse. Elle a tendance à trop boire ces temps-ci. Pas que cela me déplaise ou que cela soit un reproche, mais elle me fout les boules au fond. Elle ne veut plus se lever le matin, parfois elle ne veut plus manger. Elle a des envies de partir en plein milieu de la nuit et je n’arrive plus vraiment à deviner vers quel degré de folie elle court ou ce qu’elle cherche à exfolier. Elle déraisonne toujours, ma jolie garce. Elle s’adonne à ses humeurs sombres et accentue ses tendances carnassières. Elle perd sa route, le nord, elle perd sa tête. Elle va se l’éclater par terre, à tituber dans toutes les directions.
Elle accuse les
coups.
Elle joue à tout perdre.
Et moi j’en perds mon latin, je me perds dans les nues.
Je ne supporte pas ses mots.
Plus encore les miens.
Elle ne perd rien pour attendre,
De me paumer comme ça,
Entre
deux eaux, deux images.
J’suis bourrée d’humour et d’incohérences. Je me demande, tout de même, si ça se voit. Y’a des errements dans ce que je raconte, ça s’éparpille, je
suis décousue. Le coq, l’âne, et toute la basse cour, ça me connaît. Confusément irrationnelle, je vis dans l’affolement, l’aliénation du temps qui passe
toujours trop vite et trop fort, j’ai besoin d’un peu d’ordre, je crois.
A sans cesse franchir toutes les barrières, je vais bien
finir par tomber dans le vide. A sans cesse repousser les limites, je vais certainement
sortir de la route, avec mes états de faits et d’ivresse.
Je vis de frénésie violente puis de débordement d’ennui. Mon
adhérence au sol est discutable. J’ai la tête dans les étoiles. Y’a pas de
limites à mon univers, pas de bordures à mon exaltation, pas de restrictions à mon
avidité. A la lisière de l’admissible, je frôle le burlesque.
Je suis bouffée d’angoisse et carrément fantasque. Toujours dans le paradoxe, contradictoire à souhaits. Je ne me donne pas deux vies à vivre. Trop de peau, trop de stress.
Elle cherchait quelque chose qu’elle
avait perdu, au fond de soi ou dans un vieux tiroir. Elle ne savait plus
tellement en fait, ce qui faisait ce vide, ce vide incommensurable qu’elle s’évertuait
à combler par petites tranches de vies. S’insérer dans le quotidien des autres,
s'en contenter, pister un sourire dans le dos d’une ombre, trancher vif dans les plaies de son
trou, béant. Amusant. C’était traitre, cette façon de toujours se laisser aller
à la vie, aux autres, au dehors, au factice, au superficiel. C’était traitre
cette façon qu’elle avait de ne jamais prendre le temps de ne rien penser, d’être
seule, d’être soi. Traitre d’elle-même, elle ne voulait pas s’entendre, que dis-je,
s’écouter penser. Elle comblait ce qu’elle ne comprenait pas être un puit sans
fond qu’elle avait laissé se creuser, s’effriter avec le temps. Elle ne prenait
pas le temps des larmes, ne prenait pas le temps d’elle-même, ne prenait pas le
temps.
C’était traitre encore, cet affolement qu’elle avait d’être seule.
Appréhension.
Panique.
De quoi va-t-on remplir ce trou. Et comme Alice, à la croisée des chemins, elle s’attarde sur quelques fleurs poétesses, un sourire qui flotte, malicieux, incongru, étranglé, dans les airs psychédéliques des bois, quelques volutes de fumées, quelques boissons et biscuits énigmatiques, quelques tout et beaucoup de rien. Et ça, juste avant de prendre un miroir, de s’arrêter, s’arrêter vraiment...
Prendre quelques secondes pour souffler, s’apostropher, s’accrocher, s’empoigner, se déterminer.
Déterminée. C’est ça, déterminée.
Insolente, insoumise, Inébranlable. Inébranlable pour moi, tu resteras.