C’est un fait que je suis obligée d’admettre.
J’ai un penchant prononcé pour l’ambigüité.
Peut-être
même immodéré.
Je l’attise, je la pousse dans l’escalier pour mieux la voir
dégringoler.
C’est le genre de conneries qui m’excite, l’ambivalence, le mot de trop, le silence déloyal. J’aime l’extravagance des situations, des mots pesés, sous pesés, et jetés dans la mêlée. Avec pour ambition secrète la concrétisation d'envies scandaleuses. Une appétence sans équivoque (quant à elle) pour les ambages et les détours, apostrophée d’une franchise provocante… obscène ? Travestir de simples comportements en actes de foi(folie) inavouables. Je vais de circonvolutions grinçantes en périphrases douteuses pour abuser d’une ivresse dont je n’atteins jamais le comble.
Je me tarde sur chaque détail, quel qu’il soit. Pour l'ivresse des sens. J’aime observer la chair des âmes
dans ses moindres impostures. M’attarder sur une moue inopinée, un regard jeté à tire d’aile, des mots écorchés,
des provocations subtiles, des silences encombrants. Je n’aime rien de moins que regarder les autres et les ressentir à travers ma chair. Sans lassitude aucune,
à longueur de temps. Connaître l’intime des corps, les ressentis, les
sensations, a demi-geste. Une odeur perceptible, un parfum, un tremblement, une
conduite, un stress, une gorgée de café, un bouton de chemise. Remarquer chaque
nouveauté, curiosité, transformation, dans les comportements et en faire des
gorges chaudes d’imagination (trop fertile). Je convoite le fantasque et les
envies déraisonnables. Les potentialités et les corps m’excitent. J’ai trop de
déconcentration et de sensualité sous la peau pour être une fille sérieuse.
Ce qui m’aiguise singulièrement, me fascine même, c’est l’attitude des fumeurs, nonchalante, tendue vers ailleurs et pour autant fixée sur la cendre à l’instant de la bouffée, portant la cigarette vers la bouche (alors qu’irrémédiablement c’est la bouche qui vient à la cigarette). Et là, une seconde de concentration achevée et suprême, lèvres serrées, puis le relâchement, désappointant, frustrant, palpable. L’entre-deux est l’imminence ou tout peut basculer, ou tout est attente et potentialités et où je suis à l’affût d’un quelque chose qui m’échappe encore et qui finit irrémissiblement par se perdre en serpentins de brume, de chimères.
J’ai tendance à vouloir saisir la notion de manque physiologique dans son entier par ce simple geste. Le manque, le besoin, l’envie et paradoxalement la satisfaction, l’apogée, l’assouvissement en vue d’une banale cigarette. Tout le monde utilise cette métaphore de la vie, on la fume et dit-on, elle nous tue. Sulfureuse et expéditive maladresse.