Autocratique
Mes yeux s'accrochent le matin sur sa peau brune et sa mine si sérieuse.
Le soleil est inexistant à cette heure ci, du gris sinistre et du béton
à perte de vue, des routes, des immeubles, rien de suffisamment
impalpable pour se laisser à rêvasser. Mis à part elle, délicieusement
insaisissable, intangible, à quelques centimètres. J'ai tendance à la
dévorer des yeux, je m'attarde sur ses jambes fines, toujours en jupe,
toujours ces jambes... une vision un tantinet érotique après un réveil
difficile et trois cafés sans petit déjeuner. J'ai le pouls en accéléré,
caféine ou instant sensuel, peut importe qui du naturel ou de
l'artificiel revient au galop. Elle est si impressionnante dans sa
rigueur esthétique, toujours impeccablement vêtue, cheveux noirs et
lisses retombant adorablement jusqu'au milieu de son dos, véritable
incitation à l'intime. Elle ne grelotte pas, n'oublie jamais son
parapluie, a toujours un sac à main différent. Elle est si provocante
dans sa perfection qu'on voudrait la froisser. J'aimerais l'apercevoir
au réveil, bouche pâteuse et cheveux défaits, nue et sombre au milieu
des draps blancs. J'aimerais la voir sourire, ne serait ce qu'une
ébauche. Cette bouche si sévère et sérieuse, j'aimerais la surprendre à
gémir, déceler une nuance de vie en cette beauté glacée. On ne peut être
aussi belle et mettre une telle distance entre soi et le genre humain,
ce n'est pas raisonnable, ce n'est pas sensé.
Elle s'attarde sur mes chaussures. Je ne saurais dire si elle acquiesce le style ou désapprouve mes étourderies vestimentaires. Je suis trop occupée à déguster son grain de peau, je m'éternise sur sa bouche, son nez caractériel. C'est le genre de femme qu'on aime à crever et qui nous brise d'un geste de la main, condescendant, hautain, entre l'adieu et la lassitude. Une femme tour à tour excessive, colérique et rancunière. Une femme qui nous oublie en un bref instant de fausse oisiveté, nous désavoue, le genre de femme à changer de sac à main tous les matins.
Elle s'attarde sur mes chaussures. Je ne saurais dire si elle acquiesce le style ou désapprouve mes étourderies vestimentaires. Je suis trop occupée à déguster son grain de peau, je m'éternise sur sa bouche, son nez caractériel. C'est le genre de femme qu'on aime à crever et qui nous brise d'un geste de la main, condescendant, hautain, entre l'adieu et la lassitude. Une femme tour à tour excessive, colérique et rancunière. Une femme qui nous oublie en un bref instant de fausse oisiveté, nous désavoue, le genre de femme à changer de sac à main tous les matins.